La vie, la mort, la vie
La famille est endeuillée. Un proche parent est mort dans la nuit de dimanche à lundi.
Le hasard a voulu que je sois plongé dans la lecture d’une thèse sur les rites et mythes locaux.* Par la force des choses je vais confronter la réalité à mes lectures.
Ce qui frappe immédiatement, c’est l’évènement social que représente la mort. Le corps est exposé pendant plusieurs jours, et des centaines de visiteurs sont attendus. Chacun apporte quelque chose, de la nourriture ou de l’argent. Et la maîtresse de maison veille au bien-être de chacun. On parle à voix basse, on pleure parfois, on entoure la mère, effondrée (elle a perdu coup sur coup une fille et un fils, à deux mois d’intervalle). Et pendant ce temps les plus jeunes enfants jouent, courent et crient, sans se soucier de l’atmosphère autour d’eux. On les laisse faire.
Même si cette famille est chrétienne, on sent en filigrane l’influence de traditions anciennes, autochtones, où il est question d’inviter le mort à rester parmi les morts et à ne pas venir hanter les vivants. Une sorte de divorce se prononce, implicite.
Pas de photo aujourd’hui. Par respect. A tort ou à raison j’aurais trouvé indécent de mitrailler ces scènes.
Ayez une pensée pour le mort. Et pour les vivants.
* Robert JAOVELO-DZAO, « Mythes, rites et transes à Madagascar », Ed. Ambozontany, Antananarivo et Karthala, Paris, 2005