La vie, la mort, la vie - suite
Finalement voici quelques photos, et quelques observations supplémentaires. Les traditions d'ici sont tellement différentes de celles que j'ai rencontrées jusqu'à présent que je trouvais important d'en rendre compte. J'ai aussi remarqué que je n'étais pas le seul à prendre des photos, donc je me suis permis ce que je m'interdisais jusqu'à hier.
Durant quatre jours le corps est resté exposé. Il a subi des traitements pour éviter la décomposition et la putréfaction.
Tout au long de ces journées des groupes sont venus présenter leurs condoléances. Il y a généralement la queue, tellement les groupes sont nombreux. L’aîné du groupe prend la parole de manière solennelle, et un membre de la famille du défunt, parmi les aînés aussi, lui répond de manière tout aussi solennelle. Un dialogue s’instaure, qui peut durer assez longtemps. Le porte-parole du groupe présentant ses condoléances fera l’éloge du défunt, et il lui sera répondu par des remerciements et des compliments sur la manière dont ils partagent le deuil de la famille. Une offrande est généralement faite durant ces échanges.
A la famille du défunt de s’enquérir du bien-être des visiteurs, et de les nourrir au besoin.
Ce matin le défunt a été emballé dans une grande natte dont les extrémités ont été repliées, et ficelé en plusieurs endroits rituellement définis (pieds, genoux, reins, ventre, poitrine, cou, et les deux extrémités).
Une cérémonie avec des prières et des chants collectifs a eu lieu, toujours conduite par des membres de la famille. Puis le corps a été transporté dans son linceul jusqu’à l’extérieur par ses fils et d’autres proches, où on l’a mis dans un cercueil provisoire pour le déplacer plus aisément.
Trajet jusqu’à l’église pour un office d’environ une heure et demie. Puis le corps a été amené au caveau familial. Là, nouvelle tranche du rite, avec prières et chants polyphoniques entonnés par la foule.
Puis le défunt est sorti du cercueil et descendu dans le caveau familial par ses fils et d'autres proches, dans un complet silence.
Finalement, lorsque tout le monde est ressorti de terre et a repris place dans l'assemblée, après un moment de recueillement le maître de cérémonie - un parent - invite les participants à dire au revoir au défunt par un signe de la main. Ce que tout le monde fait. La cérémonie est terminée.
La mobilisation générale autour de ce deuil est frappante. Le défunt n'était pas particulièrement un notable, et pourtant tous ceux qui le connaissaient de près ou de loin se sentaient comme un devoir de se manifester. Des proches sont venus de France et d'ailleurs pour la circonstance. Mes amis me disent que c'est ainsi qu'on fonctionne à Madagascar : tout évènement important dans la vie entraîne l'obligation de participer, d'une manière ou d'une autre. Ceci implique qu'une grande partie de son temps libre est consacrée à ces devoirs. Mais d'autre part le sentiment d'appartenance et la garantie de solidarité qui en découlent sont probablement des biens parmi les plus précieux. A méditer...