Stop ou encore ?
Je suis un peu dans une impasse. Il me semble avoir partagé avec vous la plupart de mes étonnements et de mes surprises, agréables et désagréables. Je suis ici depuis un peu plus de six mois, et les émotions du début se sont quelque peu émoussées : on s'habitue à tout...
Il y a pourtant des choses que je n'ai pas encore osé aborder. Comme par exemple le travail des tout jeunes enfants. Ou la scolarisation, plus que déficiente. Ou la réputation de Mada comme point chaud du tourisme sexuel, et mes constatations et réactions par rapport à ceci.
Mes réticences à m'exprimer sur ce dernier sujet, très délicat, proviennent de ce que je sais que de jeunes enfants me lisent. Et elles sont sans doute aussi (surtout ?) liées au fait que je suis un homme ("un mec"), et que donc tout ce que je pourrais dire à ce sujet serait par définition suspect aux yeux de beaucoup de femmes. Mais quelle serait la valeur de ce blog si mon principal souci était de ne pas déplaire ? Je me jette donc à l'eau. Le fait d'être rentré dans une relation stable, sans ambiguïté et parfaitement "gratuite" (mais néanmoins gratifiante !) avec une Malgache me donne sans doute une assurance qui me permet le recul nécessaire.
Bien sûr la prostitution est présente, qu'elle se montre au grand jour ou qu'elle soit déguisée. C'est le cas dans toutes les grandes villes, et plus particulièrement lorsque la pauvreté est importante. Madagascar, l'un des pays les plus pauvres au monde, n'échappe pas à la règle, que ce soit à Tana ou dans les villes côtières réputées pour leur vie nocturne. J'ai effleuré le sujet dans Etre vazaha à Madagascar
La pédophilie est combattue, par des campagnes comme l'affiche ci-contre bien visible dès l'atterrissage, et par des sanctions réellement appliquées. Ceci dit ces campagnes s'adressent surtout aux étrangers. Pour les Malgaches, des traditions anciennes font que certaines pratiques seront difficiles à éradiquer. Par exemple les marchés où de toutes jeunes filles sont mises en vente en même temps que le bétail. Un site africain fait la description de l'un de ces endroits :
http://www.excelafrica.com/fr/2011/05/16/madagascar-des-fillettes-a-vendre-sur-le-marche-des-riches/
Je précise que je n'ai jamais assisté à ce type d'évènement - qui a généralement lieu dans des endroits difficiles d'accès - mais que j'en ai suffisamment entendu parler, et de sources suffisamment différentes, pour ne pas douter de la réalité de la chose. Un chauffeur de taxi avec qui j'en parlais m'a confié que l'on pouvait trouver la même chose à Tana, mais que c'était plus discret. Lorsque je lui ai parlé du grand nombre de très jeunes filles portant des bébés ou de tout jeunes enfants il m'a expliqué qu'à cause d'une grande pudeur ambiante les parents ne parlaient pas de sexualité avec leurs enfants. Il faut ajouter à celà que la fréquentation scolaire, surtout en milieu rural, est plus l'exception que la norme. Aucune précaution n'est prise. Par conséquent les expériences précoces (10-12 ans), avec les grossesses non désirées qui les accompagnent, ne sont pas rares. Voyez à ce sujet http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=2998 ou http://www.madagascar-tribune.com/Les-defis-d-une-fille-mere,1141.html
Mais revenons au rapport particulier qui lie des hommes occidentaux généralement âgés à de jeunes femmes :malgaches. Nina Fasciaux en a dressé pour Rue89 un portrait sans complaisance : http://www.rue89.com/2010/11/30/tourisme-sexuel-madagascar-lile-des-femmes-colonisees-178296
Marine Courtemanche a la jolie expression "3V" (Vieux Vazaha Vicieux) pour désigner ce genre de personnage. http://voyages.liberation.fr/jeunesse-dun-tour-du-monde/deuxieme-prix-2008-madagascar-les-sens-dessus-dessous
Alors venons-en au coeur de la question : suis-je l'un de ces 3V ? Clairement ma môme est plus jeune que moi (elle est en fait un peu plus jeune que mes enfants). Mais j'espère bien que les points communs s'arrêtent là. Minah est une jeune femme éduquée, qui enseigne la physique et les mathématiques au collège et au lycée, et je suis le premier vazaha (et même le premier homme) qu'elle connaît, au sens biblique du terme. Nous sommes extraordinairement bien l'un avec l'autre, et nous souhaitons construire ensemble un "avenir radieux", dans une sorte de romantisme réaliste. Nous faisons tous deux des efforts importants pour nous apprivoiser, en étudiant chacun la langue de l'autre par exemple. Et nous en sommes même venus à nous partager nos tics de langage : elle s'est accaparée mon "Bravo la police !", et aussi d'autres expressions plus intimes... Elle a aussi réussi l'exploit de me faire arrêter de fumer.
J'estime donc que notre relation n'a rien à voir avec le pauvre simulacre de relation tel qu'il est décrit aux adresses citées ci-dessus, où on voit un "3V" égocentrique et narcissique traitant sa "conquête" comme un objet. A vous de juger !